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Contexte

Le biofouling correspond à la colonisation biologique naturelle et progressive des surfaces immergées en milieu aquatique (Callow & Callow, 2002).

Ce phénomène se produit dès l’immersion selon une séquence comportant :

  • (1) la mise en place d’un film conditionneur consistant en l’adsorption de molécules (e.g. protéines, sucres, lipides, substances humiques) dont les structures varient avec la composition en matières organiques et les conditions physico-chimiques du milieu,
  • (2) la colonisation de ce film conditionneur par des bactéries et d’autres microorganismes marins, notamment des autotrophes, formant un biofilm complexe (microfouling) et
  • (3) le recrutement de larves ou spores de macroorganismes (algues, animaux) formant le macrofouling.

Le biofouling est à l’origine de nombreux effets néfastes sur les navires, les plates-formes, les jetées offshores, les cages d’aquaculture et les équipements océanographiques immergés en milieu marin. Il cause d’importants dommages tant d’un point de vue économique qu’écologique. Le développement du biofouling sur la coque des navires entraîne une réduction de l’hydrodynamisme des bateaux et une augmentation de leur poids d’où une perte de vitesse et de manœuvrabilité ainsi qu’une surconsommation de carburant et une émission accrue de gaz à effet de serre. De plus, les dépenses annuelles découlant directement du biofouling sont de l’ordre de plusieurs milliards de dollars par an (surcoûts des opérations de nettoyage et d’entretien régulier des navires, dégradation précoce des structures immergées) (Schultz et al., 2011). Le biofouling peut également être la source d’introduction d’espèces potentiellement envahissantes dans les milieux aquatiques et représenter une menace importante pour la santé des écosystèmes (Piola et al., 2009). Ce risque de transfert d’espèces indésirables par la navigation est mondialement reconnu (OMI, 2011) et son contrôle est au cœur de l’un des objectifs d’Aichi adopté par la Convention sur la diversité biologique du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, qui vise pour 2020 une identification des espèces exotiques envahissantes et de leurs voies d’introduction, et la mise en place de mesures pour gérer les voies de pénétration, afin d’empêcher l’introduction et l’établissement de ces espèces à l’échelle mondiale.

La gestion des risques associés au biofouling marin nécessite donc de limiter ou d’empêcher cette colonisation. En général, une application préventive et régulière de peintures AF est préconisée (Dafforn et al., 2011). Aujourd’hui, 99% des bateaux en circulation utilisent des peintures AF agissant par relargage de produits biocides toxiques pour les organismes colonisateurs. Cependant, les biocides sont par définition des produits actifs susceptibles d’avoir des effets néfastes sur des organismes non ciblés présents dans les écosystèmes marins mais aussi sur l’Homme. Le marché mondial des revêtements AF représentait plus de 5,68 milliards USD en 2015 et pourrait atteindre 9,22 milliards USD en 2021, avec un taux de croissance annuel prévisionnel d’environ 8,6% entre 2016 et 2021 (Zion Market Research, 2016). Jusqu’au début des années 2000, les peintures incorporant des dérivés organiques de l’étain, tels que le tributylétain (TBT), étaient majoritaires sur le marché du fait de leur efficacité et de leur durabilité. Toutefois, en raison de la toxicité du TBT, son utilisation dans les peintures AF a été interdite par l’OMI en 2008. Actuellement, les biocides les plus couramment retrouvés dans les revêtements AF sont des organométalliques (dérivés du cuivre ou du zinc) et/ou des composés organiques (fongicides, algicides, bactéricides, etc.) (Lejars et al., 2012). Du fait de leur érosion et de leur perte d’activité avec le temps, les revêtements AF doivent être renouvelés périodiquement. Ces entretiens engendrent des risques d’exposition des travailleurs aux molécules biocides ainsi que des risques de contamination de l’environnement par le rejet des eaux usées issues du nettoyage des coques. Les risques d’exposition à ces biocides peuvent être directs (inhalation de particules lors de l’application de la peinture ou lors du ponçage d’une carène, passage au travers de la peau suite à un contact avec des projections de peinture, ingestion accidentelle d’écailles de peinture) et indirects (ingestion de mollusques filtreurs ou d’autres organismes marins vivant à proximité des zones contaminées, baignade en zones contaminées). L’utilisation de revêtements avec biocides dans l’industrie maritime engendre donc une pollution aigüe et chronique des milieux marins et des risques pour la santé humaine (Konstantinou et Albanis, 2004).

Depuis 2008, la « Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissures nuisibles sur les navires » de l’OMI vise à garantir que les peintures et autres systèmes AF utilisés pour prévenir le biofouling ne soient pas toxiques pour l’environnement marin. Au Canada, les règlements de Transports Canada et de Santé Canada ont interdit l’usage des dérivés du TBT dans tous les systèmes AF. En Europe, en sus de la réglementation de l’OMI, les produits biocides font l’objet d’un règlement (UE N°528/2012) visant à harmoniser la mise sur le marché et l’utilisation de ces produits à l’échelle de l’UE. Depuis le 1er janvier 2018, ce règlement a réduit de 25 à 10 la liste des biocides autorisés dans les peintures AF et la pratique du carénage en dehors d’installations adaptées est désormais interdite dans l’UE. L’objectif de ces réglementations est d’assurer un niveau de protection élevé de l’Homme, des animaux et de l’environnement en favorisant la mise sur le marché de produits biocides efficaces et ne présentant pas de risques inacceptables. Bien que les risques associés aux peintures AF soient aujourd’hui un fait reconnu par la communauté scientifique et les instances gouvernementales internationales, ils sont beaucoup moins évidents pour la population qui se réfère généralement aux réglementations en vigueur localement pour choisir les produits AF utilisés. Outre le respect d’une réglementation en place, diverses motivations et variables institutionnelles, socio-économiques et/ou individuelles sont susceptibles d’influencer l’adoption d’un comportement potentiellement plus respectueux de l’environnement.

Dans le contexte d’une transition socio-écologique vers l’éconavigation à l’échelle internationale, et considérant les différences de règlementation existant sur la scène internationale, il est donc important :

  • (1) d’identifier comment les populations concernées (usagers, gestionnaires de marina ou de ports, fonctionnaires, scientifiques,…) perçoivent le problème de la lutte contre le biofouling et
  • (2) d’évaluer la réception des revêtements alternatifs sans biocides dans des contextes sociétaux différents pour confirmer le réel potentiel des AF alternatifs comme moyen de réduction de l’empreinte écologique des activités humaines en milieu marin.